12 avril 2018

Le Prix jeunesse des Univers parallèles

Les Fleurs du Nord, le livre que j'aime le plus dans tout ce que j'ai écrit, a gagné le Prix jeunesse des Univers Parallèles. Plus de 500 élèves du secondaire ont voté. Et cette saga qui se déroule dans un monde médiéval japonais a remporté ce prix. Plusieurs élèves étaient là pour poser des questions, certains sont venus me rencontrer... C'est mon premier prix pour mon écriture et c'est pour le livre sur lequel j'ai le plus travaillé, que j'aime le plus... Alors je suis vraiment choyée et heureuse.

On peut bien dire que ce n'est pas important, les prix. C'est une affirmation que j'ai souvent entendue. Mais elle a besoin d'être nuancée. Évidemment, quand j'écris une histoire, c'est avant tout pour moi. C'est une question de survie si je veux continuer à écrire. Avec le petit nombre de livres que l'on vend, les rares commentaires, la difficulté à faire publier... On apprend vite à ne pas compter sur la reconnaissance. Si on continue d'écrire, c'est parce qu'on n'a pas le choix, parce que c'est un acte essentiel, parce qu'on aime ça.

Mais quand une passion pareille prend autant de temps, il peut arriver qu'on l'abandonne, malgré tout l'amour qu'on lui porte. Qu'on la mette de côté. La chanson, par exemple, n'a presque plus de place dans ma vie. On ne compose plus, on ne pratique plus, on n'y croit plus. On fait encore de la musique à l'occasion, en famille, mais on ne cherche plus à faire des concerts, à participer à des concours, à remettre à jour notre site web, à avancer. On aime ça, mais d'autres passions ont pris le dessus. Les enfants. Le japonais.

Et c'est là que la reconnaissance, sous différentes formes, a un rôle à jouer. Ça peut être des commentaires, un minimum de ventes ou un prix. Mais, de temps en temps, savoir que sa passion fait plaisir à d'autres apporte de l'énergie, nourrit. Cela donne la sensation que cela fait sens pour quelqu'un hors de nous-mêmes, de l'autre côté des pages. Quand ces personnages qui ne quittent pas notre cerveau d'écrivain fou réussissent à prendre vie chez un lecteur, une lectrice, c'est véritablement un miracle. Et c'est un partage infiniment précieux.

Et il y a aussi l'aide financière, qui est fort appréciée, surtout quand un ordinateur vieux de 11 ans vient de sauter!!!

On en revient à la vieille formule de Loto-Québec: un prix, ça ne change pas le monde, sauf que... À l'échelle humaine, ça réchauffe le coeur.

Merci à mon éditrice Stéphanie Durand qui a aimé cette histoire; à mes amies japonaises qui ont révisé les textes en japonais et qui ont calligraphié les caractères; merci à Québec Amérique pour le montage, la couverture, le travail; merci à Claude Janelle pour l'organisation de ce prix; aux trois membres du jury qui ont sélectionnés ce livre; aux enseignants qui l'ont fait lire; et surtout aux élèves qui l'ont lu! ありがとうございます!

04 avril 2018

« Toutes nos excuses pour avoir fait un enfant »

「子どもができてすみません」C’est ainsi que se traduisent les mots d’un futur père qui est allé rencontrer le directeur de la garderie où travaille sa femme. Ils se sont excusés tous les deux, car ils avaient mis la garderie dans l’embarras: l’employée est devenue enceinte au mauvais moment, elle n’a pas attendu « son tour ». En effet, d’autres femmes à l’emploi depuis plus longtemps dans cette garderie n’ont pas encore eu de bébé. Malgré les excuses, le lendemain, la pauvre employée se faisait reprocher son « erreur ». Cet exemple de matahara (le harcèlement des mères, de l’anglais « maternity harassment ») a choqué son mari qui a terminé sa lettre dans l’Asahi Shimbun ainsi:

Les éducatrices des garderies sacrifient leurs propres enfants pour prendre soin de ceux des autres. C’est une noble profession de faire grandir les enfants qui construiront le futur de notre pays. Je respecte ma femme à cause de son engagement dans sa carrière, et je continuerai de l’encourager. Mais ces conditions de travail difficiles pour celles qui prennent soin des enfants sont le signe d’un pays rétrograde.

Heureusement, la réaction des Japonais fut majoritairement en support pour le couple. Dans un pays où la dénatalité des dernières décennies frappe de plein fouet, le nombre de Japonais diminuant à chaque année, cette façon de traiter les femmes sur le marché du travail a choqué. Ce qui m'a fait penser au texte d'une blogueuse anonyme, Crève Japon!, publié en 2016 et au support qu'elle avait reçu. Mais la situation n’est pas nouvelle: les plaintes pour harcèlement suite à une grossesse ne cessent de faire les nouvelles, un tribunal de Tokyo ayant même condamné une entreprise l’an dernier suite à un licenciement abusif, déguisé en démission.

Une pharmacienne que j’avais rencontrée dans le cadre de ma maîtrise avait témoigné de cette situation: « Quand mon plus jeune a eu trois ans, j'ai dû démissionner. S’il était malade, on me demandait pourquoi je prenais un jour de congé. Mon employeur ne pouvait pas me dire: "Démissionne!" et me mettre dehors, mais je sentais une pression constante. Ça commençait à poser problème, alors j'ai démissionné. »

Le « boss-partum », soit des patrons qui souhaiteraient éviter au maximum les inconvénients des absences causées par les congés de maternité, n’existe pas seulement au Japon. Mais le Forum économique mondial a fait perdre quelques points au Japon l’an dernier, le classant 114e (sur 144) au chapitre de l’égalité homme-femme.

« Toutes nos excuses pour avoir fait un enfant ».
Ce sont des mots qu’on ne devrait jamais entendre.